Insondable silence
Des profondeurs insondées;
Tu es;
Avant toute chose
Jumelé au substrat cosmique,
Et c’est parce que tu es
Que tous les sons peuvent être;
Tu es tout cet avant
Ce qui nous antécède;
Tu permets à la parole
D’être posée
À l’acte d’être empreint
De sa juste nécessité;
Dans le fracas,
Tu ne disparaîs pas,
Tu es juste caché,
Comme ces étoiles
Invisibles au plein jour,
Mais qui, toujours, existent ;
Silence insondable…
Tu es la nature même,
Cette même nature
Que notre nature profonde;
C’est en toi que se révèle
L’unité invisible
De tout ce qui est,
Dont notre méditation
Glorifie la beauté;
Et si dans le chaos,
Dans les stridences des fous,
Ton essence unifiée
Devait se manifester,
C’est parce que tu aurais
— Tout d’un coup —
Ouvert
Dans les vagues sonores
Tel un puits
Une percée vers toi;
Silence insondable…
Toujours tu es là,
Ne serait-ce qu’une seconde,
Lorsque se manifeste
Notre vulnérabilité
Notre état vrai d’humain;
Toujours tu accompagnes
Nos prises de conscience,
Les plus impactantes,
Les plus impliquantes;
Tu étais là avant,
Avant chacun, chacune
Et après que chacun
Aura fini ses gestes
Et mit fin à ses bruits,
Tu seras là de nouveau;
Car tu nous enveloppes
De tes doigts parenthèses
Aux veines d’éternel;
Silence insondable,
Souvent tu te fais
Silence du geste,
Silence des actes,
Silence de la parole,
Silence de la pensée,
Silence de la lamentation
Silence l’obsession
Silence de la réflexion;
Tu te fais silence de la nuit
Comme silence du jour
Tu te fais silence du jet clair
De l’oiseau dans le ciel;
Et aussi,
Malgré son incessant bourdonnement
Tu silences la mer
Quand s’accordent ses vagues
Au silence de la terre
Tu te fais silence du ressenti
Quand quelque chose se passe;
Silence impérieux de l’être
Quand il doit se taire
Face à ce qui lui est appris;
Tu fais silence dans la complicité,
Toujours avant les éclats,
Tu précèdes ou tu suis,
Mais toujours tu es là,
Quand ce qu’il y avait à vivre
A épuisé son vécu;
Quand tu es ce temps « entre »,
Tu es porte de vie
Qui s’ouvre à nous par toi;
Au jeu du pas de deux,
Tu es ce temps gravide
Entre inspir et expir,
Et expir et inspir
Tu es cette frange nacrée
Entre le rire et pleurs;
Et tu sais comme moi
Que les rires et les chants
Finissent par s’épuiser
Il leur faut une relance
Ou bien une couche tendre
Et là, tu apparais;
Insondable silence,
Tu es comme ce fil
Que la goutte parcourt
L’eau d’une compréhension
Tendue entre deux rives;
Et tu n’es pas ce vide,
Cette absence qui angoisse
Tu es substance pleine;
Parfois tu portes la trace
De ceux qui t’ont aimé
Uni, à leurs mots simples,
Mots silences de vitrail
Ou mots ferveurs de feu;
Tu es geste sacré
De ceux qui baissent la tête
Comme de ceux qui la lèvent;
Tous ceux qui t’ont prié
Tous ceux qui t’ont cultivé
Et fait de toi le blé
En fleur de nos ferveurs;
Nous n’avons rien à craindre
La multitude,
La meute
Des petits tordeurs de bras
Qui t’écharpe à grande joie
Ne te peut pas grand-chose;
Mais un jour, peut-être,
L’homme, en toute simplicité
Cessera de te déchirer
Et ce jour là alors
Quelque chose aura opéré;
Ce sera un des signes
Qui feront dire
Aux enfants de nos enfants
Que nous avons bien fait
De ne pas désespérer,
Et de poursuivre notre œuvre
D’une vie réconciliée.