Umaniti

Dominique Radisson {Textes, poèmes & autres}

La fin des vides sans raison

Floride, en cette fin d’année 2014. Des groupes d’oiseaux noirs glissent sans bruit sur l’air frais du matin, traversent lentement l’étendue d’eau paisible en direction du levant. Je sais que derrière son apparence idyllique, tous les équilibres dynamiques a l’oeuvre pour offrir la beauté inspirante de cette scène sont, soit potentiellement, soit activement menacés. 

Le monde présente, jusque dans ses espaces qui nous apparaissent intacts, les marques de l’avidité, de la violence et de l’égoïsme des hommes, dans des proportions décuplées par des effets de masse sans précédents dans l’histoire de notre espèce. 

Certains —dont je suis— sont convaincus que les réponses aux défis de ce monde ne viendront pas des actions politiques, en attendant d’utopiques instances mondiales éclairées, mais que la clé se trouve dans l’individu, en chacun de nous. Et qu’une des clés de la clé se trouve plus précisément en chaque enfant en nous, en chaque enfant de nous.

C’est ma profonde conviction : la déshumanisation de notre relation au monde et à l’autre trouve son origine première dans la déshumanisation de l’accueil des êtres qui viennent au monde.

Le risque est grand d’accentuer cette déshumanisation par la technicité accrue et la scientification. Quand il s’agit d’accueillir la vie, nous n’avons pas besoin de plus de science. De plus de capteurs. De plus de marqueurs. Nous avons amplement ce qu’il nous faut pour sauver une vie, dans l’immense majorité des cas. Nous n’avons pas besoin de plus d’outils. Nous avons besoin de plus de coeur. Non pas du coeur aimant mais du coeur comprenant. Nous n’avons pas besoin d’en faire quelque chose de lourd, ce peut être léger. Il nous suffit de nous délester. De nos habitudes prises depuis des générations. De nous réouvrir à ce qui est déjà en nous : retourner à la source du sentiment humain. Nous retourner vers le levant.

La déshumanisation de la relation au monde, et donc à l’autre et à la nature, ne peut être influencée par des actions du champ politique, qui ne peut agir que sur ses conséquences visibles. 

Nous devons devenir cultivateurs. Cultiver la passion de questionner l’évidence de ce que nous avons reçu. Il y’a de l’inconfort mais tellement de lumière à y gagner.

Nous devons émettre de la liberté. La liberté est le cadeau le plus précieux qu’on puisse nous offrir. Tous, toutes, sous toutes les lattitudes, les temps et les régimes, les fonctions et les organisations. Nous adorons l’expérience d’être enfin libres. Et c’est la chose que nous avons le plus de mal à offrir à nos enfants.

Nous avons besoin de voir et de sentir en chaque enfant une enfant reine, un enfant roi. Nous avons une méfiance car nous avons confondu le roi et le tyran. Nous avons perdu les repères simples et notre bon sens. Plus nous technicisons l’arrivée au monde plus nous créons des êtres qui techniciserons leur relation au monde et l’arrivée des suivants, dans un cercle invertueux. Le froid ne peut créer d’autre chose que le froid. Le froid ne peut créer le chaud. Il ne peut créer que l’irritation. 

La terre ne se réchauffe pas. Elle s’irrite, elle s’enflamme. Elle s’enflamme de trop de froid.

Nous sommes entrés depuis trop longtemps dans l’ère glaciaire de l’accueil de nos enfants. C’est le climat ambiant, nous ne nous rendons même plus compte que nous vivons dans ce climat extreme. Pour nous, il est normal. Mais ce froid n’est pas dans l’ordre naturel des choses et de l’humanité.

Nous payons le prix surtout d’une surintellectuallisation de la naissance. D’une surprotection démesurée par rapport aux risques réels. D’un éloignement croissant d’avec notre instinct et le naturel en nous. Nous devons tout faire pour sortir de ce cercle vicieux.

Notre tache a nous qui accueillons n’est pas seulement de minimiser les risques médicaux, c’est surtout de tout faire pour qu’il n’y ait pas de rupture de sentiment d’amour avec le monde. il n’y a pas de blessure plus profonde ni plus tragique que celle-la.

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