Ils sentaient le mouvement
Au cœur de l’immobile
Et l’immobile vibrant
Dans le sein du mouvement
Ils n’opposaient en rien
Leur respiration n’avait jamais de fin
Sauf, bien sûr, à la toute fin des fins
Mais tant qu’ils foulaient la Terre
L’inspire ne finissait pas
Pas plus que l’expire ne commençait
L’un devenait l’autre
Dans le repli lové du mouvement
Le souffle était d’une seule étoffe
continu, tissé sans couture —
et non d’un assemblage de formes isolées.
Le jour était une nuit ignorée
Ponctuée des mêmes chants d’étoiles
Et l’ombre, une offrande de lumière
A l’autre versant du monde.
Jamais ils n’auraient dit
Yin d’un côté, Yang de l’autre
Le yang ceci, et le yin cela
Masculin, féminin, chaud ou froid
Jamais même ils ne l’auraient pensé !
Ils pensaient hors du monde
Ils savaient
Les mots mentent par ordre
Il faudrait une langue
Où la place du mot ne dise rien de lui
Et c’est pour cela qu’ils étaient aussi
Des sages de silence
YinYang ou YangYin
Indifféremment
Indifféremment
Aucune préséance
Pour ces effacés magnifiques
de la grande Présence
Mes ancêtres taoïstes
La main caresse la joue
La joue reçoit la caresse de la main
Mais en réalité
Qui est là en premier ?
La main, la joue ou la caresse ?
C’est dans la danse du tout
Dans le temps immédiat
Et dans l’instant sans bord
Que nait la sensation.
Et c’est d’elle
Et d’elle seule
Que nous vivons.