Gaudí, le maître du corail.

Sais-tu, mon fils, que les gens se trompent sur la Sagrada Familia? Ce n’est pas une basilique érigée sur la terre, c’est un navire de corail baignant dans une eau lustrale devenue air par la force du génie de Gaudí.

Concrétion marine qui est sous la surface et monte sans cesse vers la lumière, le regard ne peut suivre, aspiré par ce soleil éclaboussant les vitraux tels de grandes anémones translucides ivres de couleurs vives.

Dans nul autre vaisseau de pierre à la gloire du ciel que les hommes ont bâti tu ne sentiras cela, pas même en cette cité de Rome d’où tu viens : ici, l ‘admiration est marine, elle-aussi.

Comme une mer qui se serait départie de la déferlance des marées par respect de ses temples de sables, elle puise dans la stupeur des visiteurs confondus par tant de force et de beauté la sève de ses grandes nappes liquides, onctueuses comme l’écume, soyeuses comme des tapis d’algues, et dont la nef s’imprègne à rythme régulier, dans le bruissement répété des ferveurs silencieuses.

Aucun doute à avoir : nous ne sommes pas sur la terre. Nous sommes à l’exact point de rencontre sacral d’une terre liquide azurée et d’une ocre mer minérale.

Et nous recevrons cette lumière vivante des vitraux aux couleurs tendres et vraies comme un sourire de Bouddha, franches et douces comme un regard d’amour vrai.

Un jour, mon fils, nous reviendrons ici, toi perché sur mes épaules, nous émerveillant ensemble de ces arabesques de pierre et de ces jeux de lumières qui font vibrer ce grand vaisseau organique et lui donnent la force de défier la pesanteur et les éléments, dans l’irrespectueuse insolence d’une jeunesse toujours neuve.

Et, peut-être qu’avec ta petite main, comme tu le fais souvent lorsque tu veux attirer mon attention ou m’imposer le silence pour faire valoir ta voix, tu tourneras mon visage vers le tien, et me diras, comme cette autre fois où nous étions rentrés dans une église et que je t’avais dans mes bras — tu te souviens ? — :

“papa, c’est beau ces lumières!”

Oui, c’est magnifique toutes ces lumières mon amour.

À propos de l'auteur

Dominique Radisson

J'écris pour le plaisir de souffler des graines de mots dans les forêts de papier ou les ciels digitaux. Je suis, ou ai été tour à tour poète, journaliste, écrivain, enseignant en arts martiaux (aïkido, taijiquan), en wutao et en art du souffle; entrepreneur, webmaster et graphiste. Attiré de très longue date par l'univers du corps, de la spiritualité, du Zen et du Tao, je suis passionné par l'exploration personnelle "occidentale" (Reich, Janov, Groff…).

Umaniti est le blog de textes et poèmes de Dominique Radisson.